Naissance
Il y a 50 ans, à Poitiers, un groupe de prière, animé par Jean-Michel Rousseau et son épouse Jane, devenait la “Communauté Chrétienne de Formation”. Le concile Vatican II (1962-1965) était passé par là, appelant à reconnaître l’action de l’Esprit Saint dans chaque baptisé et encourageant l’apostolat des laïcs. Dès le commencement, la grâce du Renouveau Charismatique, apparue dans l’Église Catholique au début des années 70, porte ce groupement de chrétiens. Ils répondent présents à l’appel qu’ils perçoivent dans cette cellule d’Église : livrer leur existence à l’action de l’Esprit Saint pour qu’il saisisse, transforme et humanise leur humanité, afin de devenir artisans d’un monde nouveau, d’un monde selon l’Évangile, à l’image du Christ serviteur de l’humanité.
Fondacio est née ainsi : comme une expérience osée (on pourrait dire “gonflée”), novatrice et revendiquant son ancrage dans la modernité – comme une invitation à oser conjuguer la Tradition chrétienne avec un langage renouvelé. Cette expérience, confiante (parfois jusqu’à l’excès) dans le chemin qu’elle ouvre, se poursuit encore aujourd’hui, nourrie des multiples expériences de tant de personnes dans ce qu’elles ont reçu et donné, et de tant d’initiatives nées de Fondacio. Parmi tous ceux qui sont passés, beaucoup n’y sont plus engagés, mais témoignent encore qu’ils y ont trouvé de l’inspiration pour leur vie. Parmi les projets, un certain nombre, ayant porté leurs fruits en leur temps n’existent plus, d’autres poursuivent leur route de manière indépendante.
Un rendez-vous à soigner

Impossible de passer à côté d’un jubilé. Certaines dates imposent un devoir de mémoire et de célébration. Pourtant, ce rendez-vous, pour nous, n’est pas totalement simple à envisager… En effet, notre parcours collectif n’a rien de linéaire, marqué par deux crises institutionnelles majeures en 1991 et 2008, mais aussi par une certaine dispersion (géographique bien sûr, mais aussi culturelle, missionnaire et confessionnelle). Un jubilé est aussi une étape importante pour se projeter vers l’avenir. Comme chrétiens, l’attente du Royaume qui vient à notre rencontre n’a rien perdu de son actualité, même si le monde a bien changé depuis les années 70 !
La question est donc : comment relire et nous projeter ? Comment porter l’histoire quand certains demeurent blessés, peut-être irrémédiablement, par les abus du fondateur et d’autres ? Quand cette aventure qui a mis en lien – dans une profondeur humaine inouïe – des personnes si diverses, a aussi mis à mal tant de liens, ici ou là ?
Empruntons un bout de chemin à partir de trois mots : humilité, humanité, synodalité.
Porter l’histoire… Avec humilité
Comment porter l’histoire ? La première réponse réside dans un mot : humilité. L’histoire de Fondacio, c’est d’abord le témoignage que le meilleur et le pire cohabitent dans nos personnes, dans nos communautés, dans nos Églises, dans nos sociétés. C’est l’expérience que nos élans et nos convictions peuvent charrier des ambiguïtés qui n’éclatent que bien plus tard, quand l’heure de faire un tri est venue.
Cette double expérience a inscrit dans nos gènes la sagesse paradoxale exprimée par Jésus à travers cette parabole où bon grain et ivraie poussent mystérieusement (scandaleusement ?) ensemble dans le même champ, jusqu’au jour de la moisson.
En ce sens, nous étions en quelque sorte préparés à recevoir la lame de fond des révélations sur les abus dans l’Église. En même temps que celles-ci libèrent nouvellement la parole, elles nous convoquent à revisiter une fois de plus ce passé et la manière dont il a été géré après 1991 et le départ du fondateur. Travail jamais terminé de réparation et de vigilance, qui là encore, nous convoque à l’humilité. Une commission d’étude indépendante relit aujourd’hui cette histoire à frais nouveaux, à partir de l’expérience des victimes. Elle rendra ses conclusions à l’été 2026.
Une passion pour ce qui se passe en « humanité » !
Un deuxième mot clé rend compte de notre histoire : humanité. Héritiers du courant personnaliste, nous ne pouvons pas nous empêcher de considérer chaque être humain comme une promesse en attente de déploiement et sous le signe d’une vocation. C’est ce qui sous-tend à la fois notre pédagogie, notre style chrétien et notre manière de partager la Bonne Nouvelle !
Cet intérêt “extrême” pour ce qui se joue en humanité et peut la déployer a pu causer chez nous, par le passé, une réduction du salut à une réalité de type psychologique. Deux mouvements profonds nous ont sortis de cette étroitesse. Tout d’abord l’impulsion, après 1991, à nous former sérieusement au plan biblique et théologique, dans la mesure de ce que des laïcs peuvent investir là en temps et en énergie. Mais aussi notre travail apostolique. Dans ses débuts, la communauté, pourtant attentive aux défis sociétaux de l’époque, se concevait plutôt comme “une pépinière de vocations”, envoyant chacun vers l’horizon de son appel spécifique. C’est progressivement, au contact de situations sociales intolérables, que nous a gagné l’évidence que servir “tout” l’humain, c’est aussi se retrousser les manches à la rencontre des plus pauvres pour faire, non pas tant “pour” eux qu’avec eux.
Fondacio assume ainsi l’inconfort de gérer à la fois une dynamique communautaire chrétienne et une dynamique de projets très divers, au prix parfois de tensions internes réelles mais, finalement, saines.
Nous sommes convoqués à assumer comme communauté le défi que nous proposons à chaque personne, chrétienne ou pas, qui croise nos propositions : mettre en œuvre une synergie entre les quatre moteurs existentiels que nous avons représentés par notre “ADN” ; s’ancrer dans la gratuité de l’amour de Dieu*, “être soi”, “être avec” et “être pour”. (* Un Dieu que tous ne nomment pas explicitement, mais qui travaille néanmoins le cœur et la conscience de toute personne.)
En d’autres termes, accepter d’être à la fois un lieu d’éveil et d’encouragement des vocations, un lieu d’apprentissage du “vivre ensemble” social et ecclésial et un lieu d’engagement apostolique.
Cela n’a rien de confortable. Et cet inconfort augmente quand on se laisse interpeller en profondeur, comme c’est notre cas depuis 2018, par l’appel brûlant du pape François à intégrer le défi de l’écologie intégrale à tous nos engagements. Mais cet inconfort joyeux n’est-il pas le lot de tous ceux qui acceptent de suivre Jésus-Christ sur son chemin ?
Synodalité
Nous proposons un troisième mot clé : synodalité [du grec : syn (ensemble) – odos (le chemin) : marcher ensemble]. Dès le début, Fondacio se veut une aventure de chrétiens “ordinaires”, mettant au centre l’appel universel à la sainteté et l’exercice du “sacerdoce commun des baptisés”. Fondacio est (à notre connaissance) la seule “communauté nouvelle” en France à n’avoir jamais voulu susciter un groupe de consacrés ou un institut de prêtres. Cela ne nous amène pas à minimiser la place des ministères ordonnés et des divers états de vie, mais sert de base à une expérience qui consiste à faire vivre l’Église radicalement à partir des charismes déposés en chacun par l’Esprit au Baptême. Ce qui nous oriente bien sûr clairement dans le sens de la coopération et du dialogue œcuménique, où il nous reste encore énormément à expérimenter et à déployer.
Dans cette logique, c’est toute la gouvernance du mouvement qui est le siège d’une expérimentation continuelle. Passée la phase où bien des choses tournaient autour du charisme d’un seul, notre histoire peut être lue comme la patiente construction d’une culture du discernement communautaire. Ici aussi notre aventure s’est sentie rejointe et encouragée en profondeur par les intuitions pastorales du pape François.
La dernière étape en date de ce voyage est la transition de notre système de gouvernance vers un modèle inspiré de la sociocratie, qui favorise la participation de chacun, cultive l’intelligence collective, l’esprit de coresponsabilité en clarifiant les périmètres d’autonomie. Ce type de gouvernance apporte une culture de l’écoute profonde. Expérience que le cardinal Farrell, préfet du dicastère pour les laïcs, la famille et la vie, a récemment vivement encouragée.
Décidément, dans ce domaine comme en d’autres, il nous faut peut-être accepter que “tout est en avant”, et que seul l’avenir révèlera ce que contenaient les promesses du passé et du présent.
Jean-Marc Liautaud – Permanent de Fondacio et théologien. Sa thèse est publiée sous le titre En toute gratuité. Penser la grâce sous le paradigme de l’Alliance, Ed du Seuil, Nov 2023.
Des évènements pour célébrer
L’année jubilaire s’est ouverte le 15 juin 2024 à Versailles. Les festivités en régions prennent des couleurs très variées. Elles sont l’occasion de faire connaitre Fondacio, de relire l’histoire locale, de renforcer les liens ou de retrouver des anciens. La clôture de cette année jubilaire se fera pendant le week-end de l’Ascension à Angers !
Vous êtes les bienvenus pour cet évènement festif en trois temps du 29 mai au 1ᵉʳ juin :
- l’inauguration du Tiers-lieu de l’Esvière après cinq années de travaux,
- le Festival des Vivants, ouvert sur la ville
- et l’anniversaire des 50 ans !
Le saviez-vous ?
Ce sont les 40 ans de nos camps d’ados ! 1984 : à l’aube de la nouvelle année, naissait l’intuition du premier camp d’ados sous l’impulsion des jeunes qui voyaient les transformations chez leurs parents. “On veut vivre la même chose !”. Depuis, des milliers de jeunes y ont reçu des repères pour vivre.