A l’occasion de la journée européenne de la dépression, nous avons interviewé Isabelle Bled, la Responsable du service RH de Fondacio France. Depuis des années, Fondacio met le bien-être de chacun au centre de ses préoccupations et cherche à accompagner au mieux ses ressources humaines.
Les responsables en ressources humaines ont souvent un rôle à jouer sur la santé mentale au travail. Pourrais-tu nous parler un peu plus de ce rôle ?
Isabelle Bled : Je suis responsable en ressources humaines depuis 3 ans à Fondacio France et la santé mentale des salariés au travail est l’un des points sur lequel j’essaie d’être vigilante. J’ai à cœur que les personnes qui travaillent ici soient bien dans leur poste et aient les moyens de travailler dans un environnement sain avec des moyens raisonnables.
Pour parler concrètement, nous travaillons sur les risques psychosociaux par service. Nous y travaillons d’ailleurs en ce moment. Nous rencontrons chaque service et écoutons chaque salarié sur son travail, les difficultés qu’il rencontre, la pression éventuelle qu’il ressent, les zones d’ombres, etc… Ainsi, nous pouvons identifier et mettre en place des actions correctives pour que des solutions efficaces soient trouvées.
Je pense que les responsables RH ont également un devoir d’alerter. Par exemple, il m’est arrivé de tirer la sonnette d’alarme au sujet d’un salarié, ce qui s’est traduit par « seulement » trois semaines d’arrêt pour du repos et non pas par un burn-out. Nous devons être vigilants à l’ambiance générale et à chaque salarié indépendamment.
À Fondacio, les salariés, les bénévoles et les permanents peuvent être amenés à travailler le soir ou le week-end. Bien souvent, les personnes que nous embauchons trouvent le sens qu’elles cherchent pour leur vie professionnelle. Elles sont pleines d’élan, prêtes à s’investir énormément et donc souvent à ne pas compter leurs heures. Il y a donc une possibilité de surcharge de travail. Nous devons ainsi veiller à ce que chacun ait le temps de se reposer. Je suis régulièrement en lien avec les responsables pour prendre la température, demander si tout se passe bien, du formel à l’informel.
Quel est ton rapport à ces phénomènes ? (Santé mentale, burn-out, charge de travail excessive…)
I. B. : Dans le passé j’ai fait deux burn-out : le premier en entreprise, ce qui m’a conduit à revoir complètement ma vie personnelle et professionnelle pour être plus unifiée et avoir plus de sens dans mon travail, au point de changer de carrière professionnelle. C’est là que j’ai rejoint Fondacio. J’ai ensuite fait un deuxième burn-out : comme quoi avoir plus de sens dans sa vie professionnelle n’est pas forcément suffisant pour être à l’abri.
Il faut bien comprendre que la charge de travail, le manque de sens, une mauvaise organisation dans une structure peuvent être des facteurs qui vont conduire au burn-out. Cependant, bien souvent il y a aussi ce qu’est la personne, les enjeux personnels, sa capacité à dire non, etc.
Je suis maintenant plus consciente des dangers d’une surcharge de travail ou d’un environnement de travail compliqué, j’agis donc en conséquence en essayant de prévenir plutôt que de guérir.
Quels sont les premiers signes d’un burn-out ?
I. B. : On retrouve souvent la fatigue, la perte de l’appétit, de la joie de vivre et de l’envie de travailler. Les personnes se mettent plus facilement en colère, peuvent même devenir agressives comme par exemple répondre à un mail de façon désajustée. Le sommeil est également un signe : on dort moins longtemps et moins bien.
On sent également une lassitude et une perte de l’élan du départ. Parfois des larmes viennent facilement et une petite chose à faire peut devenir une montagne.
Par où commencer pour aller mieux et éviter le burn-out ?
I. B. : Pour moi, la première chose à faire est de se couper radicalement, au minimum 24 heures sans ordi professionnel, sans mails et sans rapport au travail. L’idéal serait un grand week-end ou prendre des vacances. Parfois, c’est oser prendre les devants en allant voir son médecin pour s’arrêter trois semaines. Cela peut être beaucoup mieux que d’attendre et d’être contraint de s’arrêter pendant 6 mois, ce que j’ai vécu.
Il faut ensuite trouver ce qui peut vous ressourcer pour s’aérer l’esprit et se changer les idées. L’important est tout d’abord de réussir à déconnecter son cerveau du bureau en marchant, en appelant un proche, en faisant un puzzle, du sport, en regardant une série, et ensuite d’essayer de travailler sur soi pour comprendre ce qu’il se passe : pourquoi je n’arrive pas à dire non, pourquoi je n’arrive pas à déléguer ou simplement à être moins perfectionniste, qu’est ce qui peut dysfonctionner dans ma structure ou me conduit à dysfonctionner ?
Pensez également que la parole libère : comme bien souvent la communication peut-être la clé. Enfin, il ne faut pas hésiter à se faire accompagner par un professionnel.
Qu’est-ce qui est fait à Fondacio pour éviter les burn-out ?
I. B. : En interne d’abord, nous avons plusieurs outils : la lettre de mission qui est un document dans lequel nous avons précisément indiqué les missions dont la personne est en charge avec au maximum 2 ou 3 missions principales. Le but est d’éviter de s’éparpiller et de finir avec une dizaine de missions supplémentaires pour le même temps de travail.
Nous avons également mis en place des rendez-vous de suivi régulier avec le responsable de mission où le salarié est invité à exprimer ce qui va bien et/ou mal dans son travail, partager ses difficultés et des solutions sont cherchées entre le responsable et le salarié ou même plus largement.
Il y a également un point de vigilance à avoir : des moments gratuits, de convivialité, allant du simple café le matin à la journée où les équipes se réunissent pour faire des activités ensemble afin de permettre la cohésion d’équipe, le vivre ensemble, la convivialité et le « Think out of the box ». La souplesse associative et la confiance donnée aux acteurs de l’association permettent également de nourrir un cadre positif.
Pour parler de l’externe et de ce que Fondacio propose, il y a des sessions pour se mettre en retrait du monde et avoir une relecture de sa vie (globale et professionnelle) comme une session Unifier Sa Vie à Lérins par exemple. La session Qui Suis-Je de PRH (Personnalité et Relations Humaines) pour comprendre nos fonctionnements et nos réactions peut également être très bénéfique.
Personnellement, ces sessions m’ont permis de comprendre quels étaient mes besoins fondamentaux, pourquoi j’avais du mal à dire non et surtout à unifier ma vie. Enfin, à mieux voir les clignotants orange pour moi ou un salarié afin de pouvoir prendre les devants sans attendre d’être dans le rouge.
Certains camps, parcours ou sessions à Fondacio permettent d’obtenir des clés pour surmonter ce genre de difficultés, qu’on soit étudiant, actif, à la retraite, seul ou en couple. Si je comprends comment je fonctionne en parlant avec d’autres, en travaillant sur moi, alors je vais découvrir que je ne suis pas tout seul et que je peux aller mieux en me transformant et en embarquant, dans la foulée, mon entourage à se transformer aussi.